Anne-Sophie Toniazzi

C'est l'histoire de Cheyenne, une jolie modèle qui rêvait d'un shooting avec des oiseaux. Et de Chrisal, mon photographe préféré qui me fait un message du style "et, Anneso, ça te dirait de nous faire une tenue pour un shoot avec des oiseaux?"

Comme je ne peux rien refuser ni à Chris, ni à Cheyenne, c'est parti , et on parle d'une robe fluide, avec des drapés, d'inspiration un peu guerrière. Moi tout de suite je pense ça :

Non! Me répondent-ils, nous on veut plutôt un truc du genre ça :

S'ensuivent plusieurs échanges, on décide de partir sur une tenue en mousseline blanche, longue, avec une fente sur le coté, des détails dorés, des fausses manches longues.

Et là Cheyenne m'envoie une série de messages sur messenger

" Anne sooooooooo !

Est-ce que

Tu crois

Euh???????? Oui????????????????

J'aime les défis, c'est parti pour un bustier à plumes dorées. Le soucis étant évidemment les fameuses plumes dorées.

Là, je me suis tournée vers mes collègues, mais personne n'avait de fournisseur de plumes dorées, et une plumassière m'a alertée sur le fait que ce n'est pas forcément très joli.

J'ai ensuite pensé à des feuilles de plastique semi rigide, mais pas moyen de trouver de plastique doré, ni en ligne, ni dans la boutique de fournitures d'art locale (une fleuriste m'a indiqué après qu'on peut en faire en découpant des bouteilles de lait et en les passant à la bombe dorée, mais je n'ai pas testé).

J'ai consulté des vidéos et sites de cosplayeurs ( Lightning cosplay , Fairytas ) sur le conseil de Barbara de Royal Black Couture, mais leurs plumes ne correspondaient pas à ce que je cherchais.

Je me suis alors lancée dans plusieurs essais : du simili cuir (en noir, je n'avais que cette couleur en stock), avec un petit fil de laiton pour donner une forme : bof.

En carton doré, mais le doré partait trop facilement dès que je tentais de plier le carton.

De la pâte polymère : essai concluant. J'ai obtenu des plumes semi-rigides, que je pouvais ensuite peindre en doré. (J'ai tenté de mettre des paillettes dorées dessus, le résultat n'était pas terrible).

Le soucis maintenant est de choisir le "bon" doré, pour que la tenue soit harmonieuse.

Pour la partie du bustier qui n'est pas en plumes, j'ai choisi d'utiliser du cuir doré. J'ai réussi à en dénicher, et je commande trois nuances différentes, sans toutefois trouver LA nuance que je cherchais  (50 nuances de doré..).

En parallèle, je poursuis mes essais de peinture. Je ne dispose pas de tout cela en stock, j'ai donc fait plusieurs séances de shopping à la boutique du coin (je suis leur nouvelle meilleure copine).

Une fois le cuir réceptionné et positionné à coté des essais de plumes, le choix se porte sur ma peinture acrylique métallisée (la version du milieu). C'est la nuance qui se rapproche le plus de celle du cuir.

Entre temps, nous avons finalisé l'idée de la tenue : le bustier doré, une tenue longue avec des fausses manches et une jupe courte pour une seconde version de la tenue.

Mon croquis (le dessin n'est PAS mon point fort).

Pour la partie textile, j'ai commandé de la mousseline blanche et de l'écru, au final le choix s'est porté sur l'écru, le blanc étant trop agressif visuellement par rapport au doré.

N'ayant pas réussi à trouver de tissu plissé à un tarif raisonnable, les jupes ont été achetées sur Vinted. La version courte était impeccable, mais à réception de la longue, grosse déception :  de larges rayures marron beige strient la jupe...

Après avoir tenté de la décolorer à l'eau oxygénée, puis à la javel (sans succès car c'est du synthétique), elle a finalement servi de doublure à la tenue longue. De cette manière elle est invisible mais sert tout de même à opacifier la mousseline écrue.

Le drapé a été réalisé directement sur le mannequin de couture. Il part de l'épaule, suit le contour de la taille et remonte. Il est ouvert entièrement sur le coté gauche. J'ai utilisé une estampe en laiton doré pour décorer l'épaule et masquer la couture machine qui retient les plis.

Pour les fausses manches, deux pans de tissus montés sur de l'élastique, un petit galon doré, et des plumes d'ornementation.

Il était temps de passer au bustier.

Je suis partie de deux coques de soutien gorge :

Le patron pour le cuir a aussi été réalisé par moulage sur le mannequin (contrairement à ma méthode habituelle de patronage à plat). J'ai ajouté des éléments en cuir tout autour des bonnets, car les plumes ne pouvant pas tout couvrir, il ne fallait pas que le blanc ressorte.

Il était temps de positionner les plumes! Je suis partie sur trois tailles différentes pour un meilleur rendu.

Au final, j'ai également appliqué de la peinture dorée sur les bonnets, et sur les points de couture car le blanc attire l'oeil. Tout a été cousu (la colle ne tient pas sur la mousse des bonnets!!!)

Pour le médaillon central, j'ai acheté PLEIN de strass à coller et à coudre, de perles et de rivets chez Perles&Co. Je n'ai évidemment pas tout utilisé au final.

Mise en place des strass avec les outils indispensables :

• le compas pour tracer le cercle
• l'applicateur hotfix
• la perforatrice à cuir
• aiguille + fil (doré)
• colle
• une tasse de thé
• de la patience
• de la patience
• de la patience

Au dos, un petit lacage au ruban doré :

Le résultat (presque) final :

Les plumes latérales n'étant pas assez plaquées à mon goût, j'ai rajouté quelques discrets points de couture au fil doré pour les maintenir, mes tentatives de collage ayant échoué lamentablement.

L'idée de base était d'utiliser le bustier à plumes pour la version longue et la version courte de la tenue, mais au final j'ai décidé de créer en plus un bustier à partir de 3 simili cuirs différents (marron chiné, doré, vert kaki), de motifs en tulles brodé, de rivets dorés et de décorations en laiton bronze. Le haut du bustier est fini par un biais en simili cuir noir. L'idée était de se rapprocher un peu plus de certaines des inspirations d'origine.

Pour ce bustier j'ai travaillé de façon traditionnelle avec un patronage à plat à partir des mensurations de la modèle.

La ceinture fait partie de mon stock perso (chinée sur une brocante), les bracelets dorés visibles sur les photos du shooting aussi.

Un chouette projet, chronophage (et couteux).

Ne sachant pas ce que j'allais utiliser (ou pas) j'ai acheté :

• 3 pièces de cuir (48.5 euros)
• 2 mousselines différentes (27 euros)
• 2m de simili cuir doré (30 euros)
• les perles et strass (107 euros)
• du carton doré, 4 types de peintures différentes, des paillettes, des outils, plusieurs pains de Fimo, du fil doré, des oeillets... En gros 60 euros.
• les deux jupes sur Vinted (22 euros)

Une enveloppe globale d'environ 300 euros + le matériel que j'avais déjà en stock :

• estampe laiton
• coques de soutien gorge
• ruban
• simili cuir pour le second bustier (marron chiné et vert kaki)
• biais en simili cuir noir
• motifs brodés
• éléments décoratifs bronze
• rivets dorés

En terme de temps de travail :

• 6h de recherches (cuir, tissu, strass...)
• 4h d'essais plumes
• 7h de fabrication + peinture pour les plumes
• 3h de création/montage du bustier
• 6h pour  positionner / coudre les plumes
• 6h pour la déco en strass
• 3h pour la partie tissu
• 6h sur le bustier en simili cuir

Soit 41h de travail, en gros. Si je devais facturer ce travail à mon tarif habituel, cela représenterait un budget de 1325 euros environ pour les deux tenues. Je donne ce chiffre à titre indicatif, pour expliquer d'une part pourquoi les demandes spécifiques en sur mesure sont couteuses, et d'autre part pourquoi je ne réalise pas ce genre de projets très souvent.

Au global je suis assez contente du résultat même si le rendu n'est pas tout à fait ce que j'espérais obtenir. A noter aussi que les plumes pèsent relativement lourd. Si je devais le refaire j'essaierai de les faire plus fines.

Après la mise au point, j’ai pu enfin pu passer à la réalisation du corset : placement, coupe et montage.

Pour les tissus, j’ai choisi un coutil blanc en coton, sourcé en Angleterre (où on trouve plus de fournisseurs de matériel de corsetterie) celui vendu par Alysse création s’étant révélé trop « carton », et un coton imprimé de dessins de Léonard de Vinci, trouvé chez Spoonflower. Pour la doublure, un piqué de coton blanc de mon stock.

Le coton de chez Spoonflower a été appliqué sur une couche de coutil à l’aide d’entoilage pour lui donner la résistance nécessaire.

J’ai réalisé les pièces de mon patron « papier » en papier calque pour me permettre de le modifier plus facilement (voir étape précédente) et pour favoriser le placement des pièces sur les motifs souhaités du tissu imprimé de chez Spoonflower.

Après le montage, je suis passée à l’insertion des baleines, sur la pièce d’estomac et le corps du corset. J’ai choisi des baleines en acier spiralé de chez Alysse création.

Ensuite : la découpe et à la pose du biais (le biais est coupé dans le piqué de coton utilisé pour la doublure), à la machine sur l’avant et en (longues) finitions à la main sur l’envers. C’est une étape longue et fastidieuse, en particulier sur le bas du corset qui est très découpé.

Et enfin, la pose des œillets et essayage:

Je suis ensuite passée à la partie col, sur laquelle j’étais indécise. J’aimais l’idée de reprendre la forme d’une hélice, mais la taille d’un cou féminin ne permettait pas en rendu harmonieux. J’ai effectué plusieurs essais avec un tissu très rigide, avec les mêmes étapes : patron, toile, essayages, modifications.

Pour ce col j’ai choisi d’utiliser une gaze épaisse qui allie transparence et rigidité. Le problème : il s’effilochait beaucoup et les bordures n’étaient pas propres. J’ai donc du tout redécouper avec une lame chauffante.

Puis j’ai monté le tout : col, jupe, corset, avec des leds dans le col et sous la jupe.

Nouveau problème : le poids des leds fait tomber le col, en dépit des deux épaisseurs de gaze rigide. Pour le résoudre, j’ai d’abord pensé à utiliser du fil de fer du type qu’on utilise en jardinage, avec une gaine blanche (déniché chez Leroy Merlin), mais il n’était pas encore assez rigide. Après recherches et enquête auprès de collègues, j’ai commandé du fil de chapellerie, gansé de coton blanc, qui est très rigide et a réglé ce problème. Il est inséré entre les deux couches de gaze, au niveau des coutures, et fixé par des points de couture.

Enfin, la partie la plus « technique » de ma réalisation, la mise en lumière du corset.

Je savais déjà que je voulais créer de fines gaines en tulle bobin blanc (tulle de coton fabriqué sur des métiers à dentelle leavers, très résistant), que j’avais déjà utilisé pour un autre projet.

J’ai hésité entre les leds et la fibre optique à insérer dans mes gaines de tulle. Les rubans de leds étant faciles à trouver, j’ai réalisé un premier essai.

Malheureusement, le rendu n’était pas très esthétique que les leds soient éteintes ou allumées (le ruban produit en effet de lumière en pointillé).

J’avais en parallèle effectué des recherches sur la fibre optique et trouvé une société française qui produit ses fibres en France. J’ai contacté Midlightsun, et échangé avec eux sur la meilleure solution. Ils m’ont proposé des fibres optiques ou des rubans de tissus tissés avec de la fibre utilisables avec des batteries.

 J’ai utilisé la fibre sur le corset et les rubans tissés sur la partie jupe, en complément des leds.

La fibre et les rubans sont relativement faciles à utiliser, il fallait en revanche trouver une solution pour dissimuler les batteries et câbles. Au total trois batteries et trois câbles USB munis de deux embouts porte ampoule led.

J’ai dissimulé des poches sur la partie haut de la doublure de la jupe, et glissé les câbles sous les pans du corset.

L’essai final sur mannequin de couture :

Suite à une demande de mon photographe préféré et de sa modèle chouchou, je me suis lancée dans la création d'une tenue sur le thème "Dark Warrior".

D'après les images d'inspiration fournies par la modèle, j'ai imaginé un corset très structuré, en faisant apparaître les baleines en acier spiralé pour lui donner un coté armure.

Pour compléter le corset, j'ai voulu une grande jupe, avec beaucoup d'ampleur. J'ai utilisé 10 de satin noir,  de l'organza noir et une dentelle déstructurée noire à reflets métalliques.

Pour renforcer le coté armure / guerrière, j'ai décidé d'y ajouter de la côte de maille. J'ai choisi le motif "écaille de dragon", pas le plus simple mais tellement joli!

Pour le shooting, j'ai eu le droit à deux photographes, pour deux styles différents, Chrisal Chris et Cyril Backpixel.